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Ovide (43 av. J.C. – 17 ap. J.C.) conte l'histoire d'Echo et de Narcisse dans le troisième livre des Métamorphoses. L’amour unilatéral d'Echo pour Narcisse lui valut une cruelle destinée. Outre le châtiment écholalique qui frappa la nymphe volubile, le corps d’Echo dessécha jusqu’à ce que ses os se fussent amalgamés aux rochers. Les historiens de l’art, reconduisant le dédain de Narcisse, n’ont pas montré beaucoup d’intérêt pour la nymphe. Longtemps, l’histoire de l’art ne semble avoir eu d’yeux que pour le reflet chatoyant de Narcisse, que Leon Battista Alberti (1404-1472) avait promu au rang de scène primitive de la peinture. Echo n’avait pas l’ombre d’une chance de l’emporter face à ce paradigme décidément insubmersible de l’Histoire de l’Art andro-scopo-centrée. La nymphe est demeurée le « point aveugle » de l’Histoire de l’Art. Stimulé par la psychanalyse et les études de ‘genre’, un regain d’intérêt pour Echo s’est fait jour ces dernières années. Chemin faisant, Echo s’est affranchie du climat phallocentrique qui était comme la part d’ombre de l’éclairage que l’étude pionnière de Freud (1856-1939) avait projeté sur le phénomène du narcissisme. Des impulsions récentes venues des sciences humaines sous-tendent la trame de cet essai, qui n'est pas une étude iconographique exhaustive (en dépit des quelques exemples commentés), mais une tentative herméneutique de resituer Echo par rapport au médium visuel. Le drame d'Echo nous invite à considérer la faillite de l'image comme un miroir. Le discours d’Echo duplique, tandis que son corps décline. Toutefois - voire, et pour cause –, elle conserve la puissance de sa voix. Echo appelle. Elle en appelle à une alternative au paradigme du miroir. Son amour et son sacrifice, qui semblent advenir au-delà du spectre de la visibilité, s’emploient à détacher méticuleusement le phénomène de l’image du centrisme oculaire. Echo affranchit Narcisse avec sa propre puissance paradoxale: dissolution, camouflage, fusion. L’acte désintéressé et disparaissant d'Echo, en tant qu’antidote à un régime scopique et égologique dominant, tel sera mon fil directeur. Mon herméneutique contourne la centralité de Narcisse et, dans une perspective interdisciplinaire, ouvre des pistes de recherche sur le rôle de la parole et le sens de l'ouïe, la théorie du camouflage, les modèles épistémiques féminins et les soubassements anthropologiques de la nature, de l'amour et de la mort.